Notes sur de la zik
Alice M. – Septembre 2019, 3
Yo.
Rappels rapides (copiés depuis les épisodes précédents) sur les lecteurs Bandcamp intégrés :
- Je les cale sur une piste que je veux mettre en avant, donc si vous laissez la lecture se dérouler, vous arriverez à la fin de l’album sans forcément en avoir entendu les premières pistes.
- Si tout va bien, ils se mettent automatiquement les uns les autres en pause quand l’un démarre.
Big | BraveA Gaze Among Them
You don’t… get… to… continue! … YOU DON’T GET TO DO THIS!! YOU DON’T GET TO DO THIS!!
Au début, je me suis dit « c’est bien, mais sans plus ». Puis, j’ai eu envie de me le repasser tous les jours. Maintenant, je ne peux plus me passer de ce truc.
On a affaire aux bons vieux BROOOONS saturés du drone, avec peu de notes jouées, mais ça reste pas trop trop poussé à l’extrême. De plus, une voix féminine perce régulièrement et avec une clarté soudaine cette épaisse nappe de nuages gris.
Dans ma recherche peu fructueuse de paroles, je suis tombé sur les bons vieux gars de Invisible Oranges, et on dirait qu’ils ont vécu un peu la même chose que moi : les premières écoutes nous laissent lessivés, sans qu’on sache bien pourquoi. Ils m’ont aussi appris que cet album-ci était politisé et traitait notamment du regard aliénant de pélos sur les meufs et tout. Là où ils sont forts, les gens, là, c’est qu’ils font ressentir un truc proche de ce qu’ils veulent qu’on ressente même quand on a pas encore l’info sur le thème de l’album. Le tout dans un genre qui fait des BROOOONS monocordes. Et ils sont deux ou trois à tout casser.
Ça fait partie de ces artistes qui ne collent à pas grand chose d’autre dans ma collection, et c’est ça qui les rends indispensables. Ils poussent mes frontières et me nourrissent, plutôt que de taper dans des zones déjà surpeuplées. Alors OK, l’aspect un peu nouveau et original se tasse un peu si on enchaîne tous leurs albums, mais je n’ai pas résisté longtemps avant d’acheter celui-là. La pochette me rend ouf, d’ailleurs.
Ivar Bjørnson & Einar SelvikHugsjá
The word “Hugsjá” means “to see with, or within, the mind”, and it reflects the idea that one’s mind has the potential to see further than the eyes can reach.
Deux métalleux qui se paluchent devant l’histoire nordique et tout.
À la base ils ont composé des trucs néofolks pour un festival ésotérique, pis finalement il y a eu pas mal de représentations et c’est devenu un projet concret avec albums et tout. Bon pis y a des invités et tout, car ils ont des potes.
Un truc qui me frappe c’est que certains morceaux, y compris dans ce qui sert de refrain, sont assez éloignés d’un point de vue rythmique et mélodique de ce à quoi notre société nous a habitués. Un peu comme quand on voit des percus africaines et qu’on est à la ramasse alors que les mecs ils trouvent leur truc rythmique trivial parce que c’est construit sur leurs motifs à eux, qu’ils se bouffent depuis toujours. Ou comme avec les pays qui foutent des machins microtonaux partout ou que sais-je encore. Mais là ça reste quand même accessible pour nos cerveaux formatés. Ils nous font entrer relativement aisément dans une représentation sincère et crédible de vieux trucs nordiques avec des barbus sur des bateaux à la con et tout.
Pour l’aspect généalogique, Ivar est généralement rattaché à Enslaved et Einar à Wardruna.
NechochwenHeart of Akamon
As we’ve learned from the past, as has been foretold… a great serpent from the sea arrived on these shores.
Des mecs qui racontent comment les Amérindiens communiaient de ouf avec la nature et se sont fait fister quand on a débarqué en masse.
En plus ils refilent avec l’album un livret / pdf avec des chiées d’infos sur les événements racontés, concepts décrits et mots utilisés. Ce qu’ils font n’est pas parfait, bien sûr, mais le principe est intéressant et c’est plutôt bien exécuté.
Ça commence à faire beaucoup de trucs à moitié folk dès le début du document, tiens. Après les gens vont croire que je me shoote à ça alors qu’en vrai je trouve que pas mal de groupes folk-métal deviennent vite (voire immédiatement) chiants. Pis là il y a un certain équilibre entre les morceaux et passages méditatifs, en mode « putain je veux m’accoupler avec les arbres », et les trucs plus musclés (AAAAH PUTAIN DES MECS AVEC DES FUSILS ALORS QU’ON EN CHIE POUR TRAVERSER DES VIEUX MARAIS DÉGUEULASSES NOOOOOOOOOON). Les mecs sont passionnés et le font bien sentir. Bon, certains diront que les voix claires sont autotunées, d’autres trouveront la production black moyennement à leur goût, mais moi j’trouve tout ça prenant. C’est varié sans être bordélique, amérindien sans sonner cliché, et très narratif.
La piste finale, quasi-instrumentale, à un côté épique, comme pour balancer que même si les mecs ont été réduits en bouillie, la nature continue à être stylée et connectée à tout et tout, wèsh.
UlverThe Assassination of Julius Caesar
This is bigger than us
OK, j’ai déjà parlé d’Ulver, mais :
- c’était il y a longtemps ;
- limite ils sonnent comme un nouveau groupe à chaque sortie.
Pas mal de thèmes historiques, pas toujours joyeux (les notes en ligne mentionnent la princesse Diana, la déesse Artémis, le pape Jean Paul II qui a manqué de se faire zigouiller…), réinterprétés à leur sauce et empaquetés dans cet album tantôt dansant tantôt troublant, où chaque piste me fout sur l’arrière-train à sa façon.
Quelque soit le contexte, la voix du mec, terriblement absente de certains de leurs disques, apporte une bonne dose de chaleur. J’ai vu la majeure partie de ces titres en concert dans une petite salle intimiste et c’était cooool.
Si comme moi vous en voulez davantage après cet album, sachez que l’EP Sic Transit Gloria Mundi, sorti juste après, reste dans un style similaire et se greffe allégrement sur ce bouzin. En fait, c’est même en grande partie des restes tirés des mêmes sessions ; ils n’ont pas pu y consacrer immédiatement tout le temps qu’il fallait.
La DisputeWildlife
Felt like the world was collapsing, then we heard him speak: “CAN I STILL GET INTO HEAVEN IF I KILL MYSELF? CAN I STILL GET INTO HEAVEN IF I KILL MYSELF?”
Parfois, pour apprécier quelque chose à sa juste valeur, il est nécessaire de lutter férocement contre ses préjugés… et ceux des autres.
J’ai un faible chelou pour les trucs émos, surtout depuis la période collège-lycée ou, comme beaucoup, je ne pétais pas toujours le feu. Cependant, là, il m’a fallu pas mal de pistes pour accepter le fait que cette voix pleurnicharde me faisait ressentir de sacrés trucs. C’est notamment en arrivant au milieu de cette piste, King Park, que j’ai compris qu’il était inutile de nier et que j’aimais l’expression artistique à laquelle j’avais affaire. Sérieux, même sans avoir lu (à l’époque) l’histoire associée à ce morceau, de vagues bribes et idées me parvenaient. Le milieu et la fin – des trucs intenses comme j’en entends rarement – m’ont cloué.
En gros, le morceau est basé sur un fait divers réel à base de règlements de comptes et de balles perdues, raconté du point de vue d’un mec relativement externe au bordel. À la fin, le coupable s’enferme dans une chambre d’hôtel ou sais pu quoi, dialogue avec la police à travers la porte, et finit par se donner la mort.
Sous les airs immatures et pleurnichards, les phrases mimant par moment le discours oral de base et alternant donc entre poésie et trucs tout cons, les mecs n’ont pas l’air d’être teubés. De plus, les instrus sont plutôt fouillées et, de manière extrêmement narrative, marquent des pauses, font de brefs trucs rythmiques chelous, comme une couche supplémentaire de ponctuation et d’accentuations par-dessus les récits. Ça mérite qu’on s’y attarde un peu.
NasheimJord och aska
Och jag är aska, utbrunnen, jag är svartnad och skör, och blåser med vinden dit lidelsen dör.
« Ah mais ouiii ! C’est le truc avec l’espèce de vieux cheval mort ! » Ça commence à être le bordel dans ma tête avec tous ces groupes et titres dans des langues exotiques.
Du black sur la peine et la perte (sans sombrer dans le gros trip dépressif pour autant), avec limite davantage de chant clair que de non-clair (et souvent pas de chant du tout), et trois pistes qui s’enchaînent de manière transparente pour former un genre de… de doux monolithe gris à travers lequel on explore de vastes plaines ou un peu ce que chacun voudra bien voir. En même temps, je suis ptêt un peu influencé par la photo du mec au milieu de son espèce de forêt défoncée. Car oui, bien entendu, c’est un mec tout seul sorti un peu de nulle part, avec quelques musiciens de session, mais ça ne m’étonne même plus, ce genre de trucs.
C’est plutôt pour les gens patients, mais ceux qui ne le sont pas feraient bien de ne même pas essayer d’écouter de musique pour le moment et de s’interroger sur leurs capacités d’attention. J’sais pas, genre si vous pouvez pas rester à l’arrêt une seconde, vous conduisez pas ; si vous ne pouvez que proférer des injures, vous n’ouvrez pas la bouche ; etc. Raah faut vraiment qu’on arrête de foutre les gosses de trois mois sur des tablettes h24, aussi.
Spiral GuruVoid
The ground and my feet; the cars on the street; the leaves in the wind; the flow and the stream; the waves emitted by life… I feel everything!
Pas mal de gens font du rock psyché de drogués, mais là les mecs ont calmé un peu leur joie sur les substances cheloues (en fait je sais même pas s’ils en prennent) pour que ça parle aussi de SF et de vie extraterrestre (un commentaire dit que c’est « spacedelic »).
Un peu de contexte :
- je suis tombé là-dessus alors que je venais de recevoir un mail wtf de ma proprio et que je pensais que j’allais limite être expulsé illégalement sous trois semaines à cause d’une erreur pas-de-moi, et dès la première piste c’était comme si l’album me faisait avec insistance : « T’as quand même des potes, yo ! » ;
- ça m’a fait marrer de retrouver une ambiance à la Alunah chez des Brésiliens.
Ces gens vont de trucs spatiaux occultes à des machins organiques en passant par des sonorités rétros comme si de rien n’était…
OH PUTAIN, MERCI, ils ont mis les paroles dans les métadonnées des morceaux.
Russian CirclesEnter
Figure emblématique du métal instrumental, avec des inspirations sludge qui ne sont pas pour me déplaire.
Les trucs récents m’ont semblé bien, mais sans plus. En allant voir des notes de manière un peu globale sur le net, j’ai réalisé que leur tout premier album était adulé sa race et que je ne l’avais jamais testé. Boum. Il est déjà mature de ouf et a un côté souvent très « rentre-dedans ».
Tain je crois que je les ai vus en première partie d’un concert mais genre avant de les connaître…
Testez genre Station, Geneva ou le court mais intense Memorial si vous appréciez. En fait, même les moins bons albums de ces gars sont plutôt bons. C’est fou comme ils semblent ne plus faire qu’un quand ils se mettent à jouer.
David Maxim MicicBilo 3.0
Frosted faces waiting in the line… I'm trying to melt them— I try to make them smile.
Bon, je commence à réussir à me rappeler le nom de ce mec, à force. Ça n’est plus « le truc avec la pochette et le nom moches ».
Pour ceux qui ont jeté un œil à l’épisode précédent de cette série de documents : ce truc remplit un peu le même emplacement qu’Earthside. À la base c’est juste un type (un guitariste / claviériste serbe cheaté), mais il a des potes et il fait mumuse (limite avec certains de ses profs de zik, je crois). On a donc une mixture de passages et morceaux plus ou moins instrumentaux avec voix invitées ici et là.
Même si l’atmosphère globale n’est pas aussi solennelle et pesante que chez Earthside, on retrouve ici et là des thématiques vaguement existentielles, et un certain goût pour la grandiloquence qui s’exprime parfois par des effets comiques maîtrisés. Il y a aussi des petites oasis bien pépères voire innocentes qui font office de récréations un peu partout dans l’album.
Il y a pas d’aspects qui pourraient sombrer dans l’excès, mais là où c’est cool c’est que ça reste savamment dosé. Par exemple, les gros palm mute rythmiques de porcs restent cloisonnées à des sections précises où ça a du sens, ce qui nous évite d’être ensevelis sous une montagne de pauvres lycéens en train de beugler « NYÉÉÉÉÉÉÉÉÉ LE DJENT Y A QU’ÇA D’VRAIIIII ». De la même manière, il y a des effets électroniques sur certaines lignes de chant, mais ça reste rare. Et la seconde moitié de Wrinkle Maze utilise des chœurs tels qu’on aurait pu me faire croire sans souci que c’était du Devin Townsend (ceci est un compliment), mais on ne les retrouve pas à tous les coins de rue car ça aurait pété tout le truc.
J’avais limite envie de mettre Smile par défaut dans le lecteur ci-dessus, mais ça aurait ptêt moins été passe-partout. Bon, elle a quand même volé la vedette pour la citation de sous-titre. Cette piste, qui semble vite fait liée à des histoires de phobie sociale ou quelque chose de ce style (je garantis rien), démarre de manière assez suffocante, avant de partir dans la seconde moitié limite en semi-opéra loufoque serbe ou je ne sais quoi. Enfin, l’ultime refrain apporte une bouffée énergétique d’air, fruit d’une interminable lutte. Impossible de compter les états par lesquels ce morceau me fait passer.
C418Minecraft – Volume Alpha
I’m your favourite human, and occasional music man, Daniel. Welcome.
Non, je ne joue pas à Minecraft. J’ai testé une ou deux fois et j’ai pas accroché. Et c’est justement ce qui fait que j’ai mis un temps fou à me pencher sur la bande-son.
Je ne suis pas très certain de mon choix de piste, premièrement parce qu’il y en a une chiée, et ensuite parce que c’est globalement assez ambiant et que ça se bouffe assez bien comme un tout. Je m’attendais à de la vieille chiptune clichée ou un truc de ce style-là, mais en fait, même si on retrouve ici et là des sonorités rétros et compagnie, ce n’est pas le propos principal du tout.
J’ai du mal à cerner ce type. Il fait tout jovial et limite niais, a des titres souvent chelous, marrants, minimalistes ou cryptiques, avec pas mal d’autodérision. Genre il a un album dont sept des pistes s’appellent « Les chansons longues, c’est pour les gens qui n’ont pas le temps de les rendre courtes ». Avec aussi « Je n’ai pas les moyens pour le mixage » et « Je n’ai pas les moyens pour le mastering ». Mais malgré tout ça le mec est prolifique et pas manchot ! Diantre.
KypckНиже
Pousse les tibias, et pousse les traites chiées
DooOOoooOOoooOOooom.
Si je dis pas de conneries, les mecs sont finlandais mais chantent en russe. On s’approche du niveau de « wut » de Kauan. Tain, j’arrête pas d’entendre du pseudo-français qui parle de pêches Mayas, de tibias, et j’en passe. Ça me tue.
La clef pour moi pour apprécier leur style a été de voir le contraste de dureté qui sévit entre les couplets et les refrains sur la plupart des morceaux, et d’accueillir ce contraste les bras ouverts. La manière qu’a ce mec d’exprimer la baddation et de raconter des machins historiques pas cools peut être un peu pesante (en même temps sinon ça voudrait dire qu’il ferait mal son boulot), mais ça ne fait que sublimer les bouts plus lumineux. Le groupe ne se dit pas politisé et décrit des trucs (y compris de « simples » trucs personnels) avec une certaine objectivité.
The OceanPhanerozoic I: Palaeozoic
I found my place among the others, and realized the stars were all too far
Comme souvent, ces gars font des parallèles chelous entre « trucs actuels ou persos » et « géologie, anthropologie et compagnie ».
J’étais sur l’arrière-train quand j’ai vu que l’un de mes groupes favoris avait collaboré sur ce titre avec le chanteur d’un autre de mes groupe favoris. Les gars ont balancé la piste à Jonas Renkse de Katatonia, et le mec s’est senti comme un poisson dans l’eau et leur a pondu des lignes de chant nickel, avec ses paroles à lui et tout. Poum. Apparemment, des années auparavant, Robin Staps de The Ocean avait un peu du mal avec la combinaison « guitares saturées et chant clair », et c’était Jonas, à l’époque, avec son chant humble assez caractéristique, qui l’avait convaincu que ça pouvait être stylé. D’ailleurs Katatonia me fait l’effet chelou de me donner envie de chanter spécifiquement pas fort.
Tain, un coup je suis devenu malade comme une loque genre un jour et demi avant de les voir en concert. J’ai pris une aprèm de congé, j’ai pioncé pendant genre quatorze heures, je me suis senti étonnamment mieux le temps du concert, mais ma résolution de préserver ma gorge a volé en éclats sur la dernière piste de l’album, où j’ai gueulé comme un putois. Le lendemain, j’étais de nouveau en train de décéder.
Tain, j’ai pris une édition limitée avec des fossiles mais les miens sont tout petits !
L’album, du point de vue du concept (mais pas en termes de date de sortie), se place après Precambrian, qui est probablement dans mon top 15 voire 10 actuel d’albums. Autant dire que j’attendais Palaeozoic de pied ferme.
Voilà
Bouh.
Je rappelle qu'une bonne partie de mes récents achats de musique sont ici, si jamais vous n'avez vraiment rien à foutre :
https://bandcamp.com/alice_m
Et pour le reste :
http://www.alicem.net
Bonne journée.